La fileterie représente une partie essentielle de l’identité de la guitare. Pour une parfaite unité de couleur et de style, elle doit être en cohérence avec la rosace et la plaque du cordier sur le chevalet.
Les filets sont composés d’un assemblage de fines lamelles de bois de 2mm de hauteur et d’épaisseurs variables, ici entre 0,19 mm jusqu’à 0,4 mm pour le filet central noir. Les filets sont débités à partir de placages, il s’agit de feuilles de bois tranchées couramment employées en marqueterie. La fileterie est réalisée avec une alternance d’érable sycomore naturel et d’érable teinté en noir. Les épaisseurs les plus fines de placages disponibles font 0,3mm mais la composition de la fileterie peut nécessiter des filets plus fins comme c’est le cas ici. Il faut alors réduire leur épaisseur manuellement avec une filière : rabot dont la lame placée verticalement à une distance réglable de son socle permet d’affiner et de rectifier l’épaisseur de chaque filet. Au-delà de leur rôle décoratif, les filets de table et de fond protègent la caisse. Un impact sur le bord de la caisse pourrait plus facilement fendre la table dans le sens du fil sans le filet d’éclisse qui absorbe une partie de l’énergie du choc. Les filets jouent aussi un rôle protecteur, en agissant comme une barrière contre les variations de taux d’humidité dans l’air. Le bois est un matériau hygroscopique ; il absorbe naturellement l’humidité et se rétracte lorsque l’air s’assèche. Ces variations se font principalement en bois de bout ou autrement dit par l’extrémité de la planche de bois. Dans le cas d’une table ou d’un fond, il s’agit du contour de la guitare. Le collage des filets temporise ainsi les variations d’hygrométrie.
Réalisés en palissandre de Santos les filets d’éclisse font 1,5 mm sur une hauteur de 4mm. Ils sont délignés, calibrés à épaisseur par ponçage et enfin cintrés, c’est à dire mis en forme à chaud selon les contours de la caisse. |
Les éclisses sont réalisées avec deux planches de palissandre au dessin symétrique et rassemblées à chaque extrémité par deux tasseaux. Le tasseau de manche sur lequel le manche vient s’ajuster et le tasseau inférieur sur lequel les éclisses sont jointées bout à bout.
Le filet de tasseau consiste en un filet décoratif couvrant le joint de collage des deux éclisses rassemblées.
Deux fines découpes sont réalisées à droite et à gauche du joint de collage. Le sillon est ensuite évidé avec un petit ciseau à bois afin de recevoir le filet qui doit être collé très ajusté.
Une double feuillure est exécutée côté table et fond a l’aide d’une fraiseuse. La caisse de la guitare, fixée sur un socle est déplacée sur la machine, guidée par un roulement venant prendre appui sur l’éclisse.
La fraiseuse repose sur la périphérie de la table, ce qui permet de s’affranchir de son galbe. Un roulement à billes guide le travail de la fraise. Il définit par son diamètre l’épaisseur du sillon.
Seulement quelques retouches effectuées manuellement seront nécessaires après le passage de la fraiseuse.
Une coupe d’onglet est réalisée avec le filet du tasseau. L’ajustement doit être aussi précis que possible.
Un micro ciseau est utilisé pour la coupe d’onglet. L’angle et la netteté de l’incision permettront une parfaite continuité des filets noirs et blancs.
Les filets sont présentés sans colle, afin de s’assurer de leur bon positionnement.
On encolle les filets en les maintenant en place avec un scotch spécifique en commençant par la coupe d’onglet sur le tasseau. C’est un travail qui demande une certaine dextérité et rapidité dans la mise en place. Plus encore lorsque les filets sont nombreux.
Après avoir collé la seconde partie de la fileterie, on laisse le collage durcir jusqu’au lendemain pour pouvoir affleurer l’excédent au niveau de la table. Le travail est effectué avec un petit rabot à semelle bombée pour préserver la table du tranchant de la lame.
Enfin, un petit racloir permet de terminer l’ajustement.
Sylvain Balestrieri –Luthier–