La rosace décore la bouche de la guitare. C’est un élément distinctif, un marqueur esthétique et artistique. Elle est composée le plus souvent de filets et mosaïques de bois incrustés dans la table d’harmonie. Au delà de son rôle décoratif, la rosace porte les influences et le style du luthier. Elle représente une part importante du caractère de l’instrument.
A l’époque baroque, la rosace est composée de bois finement ciselé ou bien de parchemin que le luthier dispose dans la bouche. Plus tard à partir de la fin du 18ème, époque marquée par le passage des 5 coeurs ( cordes doublées) aux 5 cordes simples, les rosaces se simplifient. Elles sont souvent faites de filets d’ivoire et d’ébène alternés et préfigurent le style des rosaces des guitares romantiques du 19ème.
Mais c’est bien dans la tradition de lutherie Espagnole que les racines de la guitare moderne sont encrées. Tandis que dans le reste de l’Europe les rosaces sont faites d’ivoire, d’ebène et de nacre, les guitares Espagnoles présentent déjà des motifs en mosaïque et des fileteries plus délicates alternant les essences de bois pour une variété de couleurs et de motifs.
Une guitare de concert doit allier des qualités acoustiques, une harmonie des courbes et des formes, un travail du bois et du vernis de la meilleur facture et une esthétique élaborée, recherchée. Tout comme la tête, le chevalet, le talon et la fileterie, la rosace représente une part importante de l’identité de l’instrument. Le luthier doit trouver une cohérence entre chacun de ces éléments afin de donner une unité d’ensemble.
La rosace présentée ici est en 3 tons. De l’érable pour le blanc, du poirier et de l’érable teintés pour le noir et du padouk pour le rouge orangé. Les bois qui la composent sont issus de plaquages (feuilles de bois) d’épaisseurs comprises entre 0,3 et 0,6 mm d’épaisseur.
Pour réaliser les filets blancs et noirs alternés, les plaquages sont délignés sur une largeur de 2mm puis réduits jusqu’à 18/100 ème de millimètre d’épaisseur. Les filets sont collés sur la tranche ; Leur finesse donne de l’élégance à la rosace et souligne le motif central en mosaïque ainsi que le motif en demi chevron bordé de filets en padouk (rouges).
La bûchette de mosaïque
Pour fabriquer le motif centrale en mosaïque de la rosace, de nombreuses étapes successives permettent d’obtenir une buchette de 15 cm de long représentée ici. La mosaïque composée de 209 morceaux de bois de 0,3 mm de côté est visible à son extrémité.La finesse du dessin la rend complexe et délicate à réaliser.
Les colonnes du motif
La mosaïque comprend 11 lignes et 19 colonnes. Pour la fabriquer il faut dans un premier temps composer les colonnes séparément les unes des autres. Pour cela, on colle ensembles 11 feuilles de plaquage de 0,3mm. Ici on peut voir les 19 assemblages de plaquages, représentant chacun une colonne de la mosaïque. La tranche des paquets révèle les différents dessins correspondant aux colonnes du motif.
Sciage des colonnes
Les paquets de plaquages sont délignés avec une scie à ruban. D’une épaisseur de 0,8mm après scillage, les colonnes sont ensuite affinées jusqu’à 0,3 mm pour que chaque élément de la mosaïque soit de section carrée de 0,3mm de côté.
Calibrage dans la filière
La filière permet de progressivement réduire l’épaisseur de chaque colonne jusqu’à 0,3mm.
La lame placée verticalement racle le filet, ou ici les colonnes de la mosaïque, en enlevant à chaque passage un fin copeau de bois.
Collage des colonnes pour obtenir la bûchette.
Lorsque toutes les colonnes ont été préparées, elles sont encollées et assemblées afin de composer la bûchette.
Pressage de la bûchette
Les 19 colonnes sont mises sous presse dans un moule. L’alignement de tous les éléments doit être parfait et la pression de serrage uniforme. C’est une opération délicate étant donné la finesse du motif. La mosaïque est maintenant visible à l’extrémité de la bûchette.
Découpe de la bûchette.
La bûchette est découpée à l’aide d’un guide. Une scie fine permet de débiter les 50 éléments constituant le tour de la rosace.
Collage de la mosaïque sur la table.
L’incrustation de la rosace commence avec la pose de la mosaïque. Un sillon de la largeur du motif est creusé dans la table. Chaque élément doit ensuite être rectifié pour s’ajuster parfaitement en arc de cercle puis est collé en place.
Collage des filets.
Deux sillons sont creusés à droite et à gauche de la mosaïque. Le collage des filets représente une opération délicate effectué en une fois. Le sillon doit être suffisamment resserré mais aussi tenir compte de la dilatation du bois avec l’humidité de la colle.
Rabotage.
Lorsque tous les éléments de la rosaces sont en place, on affleure l’ensemble à la table avec un petit rabot noisette puis au racloir. Il faudra ensuite percer la bouche puis réaliser le barrage.
Sylvain Balestrieri
–Luthier–